Situation de sécurité alimentaire dans les zones de production de cacao au Cameroun: Cas des régions du Sud-Ouest et du Centre
Le cacao est la principale
culture de rente et de subsistance des petits agriculteurs des régions de
Centre et du Sud-Ouest du Cameroun. Cette position stratégique de culture permet-elle
aux familles de productrices d'avoir un niveau de sécurité alimentaire
satisfaisante?
L’échantillon de ménages choisi dans cette étude était constitué de 153 ménages, dont l’âge des interlocuteurs varie entre 14 et 78 ans dans chacun des sites. Dans ces ménages, 158 enfants de 6 à 59 mois ont été identifiés dans la région du Centre et 73 enfants de 6 à 59 mois dans le Sud-Ouest.
La sécurité alimentaire
existe lorsque tous les êtres humains ont à tout moment un accès physique et
économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive pour satisfaire
leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie
saine et active. Elle est basée sur 4 principes suivants: (i) Accès
(capacité à produire sa propre nourriture et avoir ainsi les moyens de le
faire, ou la capacité d'acheter de la nourriture et donc d'avoir un pouvoir
d'achat suffisant pour le faire), (ii) Disponibilité (quantités suffisantes de
nourriture, que ce soit de la production nationale, des stocks, des
importations ou de l'aide), (iii) Qualité ou utilisation (aliments et régimes
alimentaires d'un point de vue nutritionnel, sanitaire mais aussi
socioculturel) et (iv) Stabilité (capacités d'accès et donc prix et pouvoir
d'achat, disponibilité et qualité des aliments et des régimes alimentaires). C’est
donc le but d’avoir la situation dans les zones de production du cacao au Cameroun
que nous avons mené la présente étude.
Deux arrondissements dans
les grandes régions de production de cacao ont été pris comme site d’étude. Il s’agit
de l’arrondissement de Ngomedzap dans la
région du Centre et Muyuka dans la région du Sud-Ouest. Dans ces communautés, l'accès
aux produits alimentaires dépend en grande partie de ce que les familles
d'agriculteurs cultivent (pour leur subsistance) et, dans une moindre mesure,
de ce qu'ils peuvent acheter. Les ventes de fèves de cacao constituent la plus
grande source de revenu du ménage. Cependant, la majeure partie des revenus du
cacao est gagnée au cours des derniers mois de l'année, entre septembre et
décembre, les familles dépendant des ventes d'autres cultures vivrières au
cours des autres mois de l'année. Les prix du cacao fluctuent d'un mois à
l'autre et d'une année à l'autre, car ils dépendent des marchés internationaux.
La fluctuation des prix du cacao affecte l'achat d'énergie par les familles,
l'accès aux services de santé et finalement leur bien-être.
La méthode de mesure choisie pour
cette étude est l’échelle de l’insécurité alimentaire basée sur les
expériences, dont la dénomination anglaise est : Food Insecurity Experience Scale (FIES)
La FIES permet de mesurer l’accès
aux aliments des individus ou des ménages. Elle mesure la gravité de
l’insécurité alimentaire en fonction des réponses des personnes à des questions
concernant leur capacité à se procurer des aliments adéquats. Cette approche de
la quantification de la sécurité alimen Options
taire constitue un changement important par rapport aux méthodes traditionnelles qui évaluaient des facteurs comme la disponibilité de la nourriture, ou bien des conséquences telles que la mauvaise qualité de l’alimentation, les insuffisances anthropométriques et autres signes de malnutrition.
taire constitue un changement important par rapport aux méthodes traditionnelles qui évaluaient des facteurs comme la disponibilité de la nourriture, ou bien des conséquences telles que la mauvaise qualité de l’alimentation, les insuffisances anthropométriques et autres signes de malnutrition.
La mesure
de l’indice d’expérience d’insécurité alimentaire par les communautés se fait
au moyen d’un protocole constitué de 8 questions permettant de mesurer le
niveau d’accès des ménages aux aliments. La
période considérée pour notre expérience d’insécurité alimentaire est de 12
derniers mois.
Ce
protocole permet d’avoir des réponses claires sur la question de savoir si à un
moment donné au cours des 12 derniers MOIS, les membres du ménage se sont trouvés dans une situation où, faute d’argent
ou d’autres moyens:
1) ils ont
eu peur de ne plus avoir assez à manger?
2) ils ne
pouvaient pas manger des aliments nourrissants et bons pour la santé?
3) ils
mangeaient presque toujours la même chose?
4) ils ont
dû sauter un repas?
5) ils n’ont
pas mangé autant qu’il aurait fallu?
6) il n’y
avait plus rien à manger à la maison?
7) ils ont eu
faim mais n’ont pas mangé?
8) ils
n’avaient rien mangé de toute la journée?
La FIES s’appuie sur une
expérience bien ancrée de l’insécurité alimentaire qui se divise en trois
domaines: incertitude/anxiété, variation de la qualité de l'alimentation et
variation de la quantité de l’alimentation.
Le degré d’insécurité alimentaire
associé à une personne interrogée peut être situé sur l’échelle en fonction du
nombre de réponses positives aux questions (quantité de comportements ou
d’expériences déclarés). Ces mesures servent ensuite à classer les personnes
interrogées dans différentes catégories d’insécurité alimentaire que
sont : (i) l’insécurité alimentaire faible, (ii) l’insécurité alimentaire
modéré et (iii) l’insécurité alimentaire grave.
L’échantillon de ménages choisi dans cette étude était constitué de 153 ménages, dont l’âge des interlocuteurs varie entre 14 et 78 ans dans chacun des sites. Dans ces ménages, 158 enfants de 6 à 59 mois ont été identifiés dans la région du Centre et 73 enfants de 6 à 59 mois dans le Sud-Ouest.
Le dépouillement des
questionnaires a montré que seulement deux possibilités de réponses ont été
données par nos interlocuteurs. Il s’agit de « YES ou 1 » et
« NO ou 0 »
L'analyse de ces données a été faite en tenant en compte des éléments ci-dessous obtenus en compléments d'informations associés à notre trame d'enquête.
1) les sources d’approvisionnement en
aliments pour tous les ménages de cette contrée sont l’achat et la production
personnelle ;
2)
pour les aliments locaux, tous les
ménages disposent des champs pour la production ;
3)
le moment de réalisation de cette
enquête est la période de bas revenus et de rareté d’aliments locaux. Donc
représente la période la plus dure de l’année ;
4)
s’inquiéter pour un ménage de ne
plus avoir assez à manger est un devoir qui les pousse chaque jour à chercher
de quoi se nourrir demain (aller au champ ou faire d’autres activités
génératrices de revenus);
5)
une quantité de nourriture jugée
insuffisante pour un ménage peut être suffisante sur le plan nutritionnel en
fonction de l’activité physique de la période,
6) en général, seulement deux repas sont
programmés par jour dans le village, aux jours comme les samedis où tous les
membres du ménage vont au champ, le seul repas de la journée est celui du soir.
Au cours de la journée, les membres n’ont pas de nourriture. Pour ces membres
c’est une expérience de faim, mais, l’analyse montre que ce n’est pas le manque
de ressources qui est à l’origine car, les aliments crus sont disponibles au
champ.
Les résultats obtenus pour les réponses aux questions sont les suivantes:
Dans la région de Sud-Ouest, on note qu'au cours de 12 derniers mois précédant notre enquête,
Le
degré d’insécurité alimentaire associé à une personne interrogée peut être
situé sur l’échelle en fonction du nombre de réponses positives aux questions
(quantité de comportements ou d’expériences déclarés). Ces mesures servent
ensuite à classer les personnes interrogées dans différentes catégories
d’insécurité alimentaire.
- 78,43 % des ménages de Muyuka se sont inquiétés de ne pas avoir assez à manger ;
- 81,04 % estiment avoir consommé des repas peu sains et peu nutritifs par manque de ressources ;
- 65,36 % déclarent avoir consommé les mêmes aliments par manque de ressources pour varier ;
- 69,93 % de ménages ont été contraints de sauter un repas par manque de ressources pour s’enquérir ;
- 71,24 % ont consommé moins que ce qu’il aurait fallu pendant au moins un repas ;
- 36,60 % ont vécu au moins une fois un moment où il n’y avait rien comme nourriture à la maison ;
- 62,74 % de nos interlocuteurs ont eu faim et n’ont pas eu quelque chose à manger ;
- 16,99 % ont eu à passer au moins toute une journée sans manger.
Dans la région de Centre, on note qu’au cours de 12 derniers mois précédant notre enquête,
- 86,18 % des ménages de Ngomedzap se sont inquiétés de ne pas avoir assez à manger ;
- 78,30 % estiment avoir consommé des repas peu sains et peu nutritifs par manque de ressources ;
- 49,34 % déclarent avoir consommé les mêmes aliments par manque de ressources pour varier ;
- 46,71 % de ménages ont été contraints de sauter un repas par manque de ressources pour s’enquérir ;
- 64,47 % ont consommé moins que ce qu’il aurait fallu pendant au moins un repas ;
- 26,68 % ont vécu au moins une fois un moment où il n’y avait rien comme nourriture à la maison ;
- 48,02 % de nos interlocuteurs ont eu faim et n’ont pas eu quelque chose à manger ;
- 8,55 % ont eu à passer au moins toute une journée sans manger.
Compte
tenu du fait que la FIES s’appuie sur une expérience bien ancrée de
l’insécurité alimentaire qui se divise en trois domaines: incertitude/anxiété, variation
de la qualité de l'alimentation et variation de la quantité de l’alimentation.
Les critères ci-dessous seront utilisés pour
catégoriser le degré de gravité d’insécurité alimentaire des ménages :
- Ménages à insécurité alimentaire grave : Inquiétude de se procurer de la nourriture + qualité et variété des aliments compromis + baisse de quantité et repas sautés + expérience de la faim ;
- Ménages à insécurité alimentaire modéré (Niveau 2) : Inquiétude de se procurer de la nourriture+ qualité et variété des aliments compromis + baisse de quantité et repas sautés ;
- Ménages à insécurité alimentaire modéré (Niveau 1) : Inquiétude de se procurer de la nourriture+ qualité et variété des aliments compromis
- Ménages à insécurité alimentaire faible : Inquiétude de se procurer de la nourriture ;
- Ménages ayant une alimentation assurée : ménages ayant répondus « NON ou 0 » à l’ensemble des huit questions.
La mesure de l'insécurité alimentaire des ménages nous donnent les résultats ci-après.
Dans le Sud-Ouest,
Il
ressort de ce tableau que 16,99 % des ménages de l'échantillon ont connu une
insécurité alimentaire grave, 57,51 % une insécurité alimentaire modéré et
seulement 21,56 % avaient une situation alimentaire stable au cours des 12
derniers mois.
Dans le Centre,
Il
ressort de ce tableau que 5,26 % des ménages de l'échantillon ont connu une
insécurité alimentaire grave, 40,13 % une insécurité alimentaire modéré et
seulement 13,81 % avaient une situation alimentaire stable au cours des 12
derniers mois.
En conclusion, le niveau de sécurité alimentaire des ménages n'est pas bonne. Environ 45 % de la population sont en insécurité alimentaire grave dans le Centre et 74% de la population dans le Sud-Ouest. Cette situation, extrêmement grave nous amène à nous poser la question de savoir: quelles stratégies pouvons nous mettre en place pour faire prendre conscience aux ménages de leur état et les amener à intégrer dans leurs systèmes de production de nouvelles habitudes tels que le jardin de case, la diversification des produits de leur exploitation, les cultures de contre saison, le stockage et la conservation des produits récoltés sans oublier une bonne gestion des revenus issus de la vente de cacao?
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